lundi 29 avril 2019

Algérie : La démocratie triomphera face à l'islamisme

ali benhadj et abassi madani


Ne rien lâcher sur la question de l’islamisme et de ses résidus Fisistes en goguette depuis quelques heures. Il faut raconter aux plus jeunes pour qu’ils sachent. Dans les années 80, nous les anciens avions considéré comme « normal et démocratique » que des opinions poilues puissent s’exprimer. Nos espaces de vie et d’expression ont commencé à se restreindre. Nous ne nous tenions plus la main dans la rue entre amoureux. Nous allongions nos tenues à la plage. Et raccourcissions nos sorties le soir. Nous baissions le regard au passage des cohortes hirsutes, fortes de leur nombre. Nous engueulions nos femmes, nos sœurs et nos ombres pour leur excès de coquetterie indisposante aux yeux des gardiens de la révolution verte. Des yeux pourtant eux-mêmes soulignés au khôl ! Puis, de pantalonnade en régression inféconde, de « cédage » de terrain en rétrocession de nos vies à la tribu de la Mahchoucha, vint le temps de la solution finale. Leur solution finale. Ils entamèrent notre « purification ethnique ». Sans chambre à gaz, mais au C4 et à la scie rouillée. Je ne vais pas vous refaire ce film-la. Les anciens le connaissent. Les « nouveaux » doivent le visionner. Pour ma part, je refuse de revivre le baissage de yeux et de voix au passage des hirsutes maquillés au Khôl. Je ne céderais plus un millimètre de la sensualité revendiquée et assumée de ma compagne. Tu ressors aujourd’hui, barbe, kamis et claquette au vent? Je ressors NOMBREUX, tous les jours et le vendredi, ce jour que nous avons re-nationalisé pour t’enlever ton bon dieu! Jamais je ne te donnerai ce pays. Jamais tu ne l’aura. Ce pays est la contrée de l’amour. Et tu es le fruit interdit de l’inceste fait au beau et à l’humain. T’éradiquer n’est pas un acte génocidaire ni totalitariste. T’éradiquer est œuvre de sauvegarde de la terre que toi et les tiens, Aliens dissimulés aux quatre coins du désespoir, tentez de repeindre aux couleurs corbeau de la mort. ÉRADICATEUR HIER! ÉRADICATEUR AUJOURD’HUI! ÉRADICATEUR DEMAIN. Je porte fièrement ce qualificatif comme un tatouage de bonté envers mon prochain. Tous mes prochains mus par le désir furieux de vie et de liberté.

Hakim Laalam

Mort de Abassi Madani

abassi madani terroriste


Après la mort de Abassi Madani au Qatar, ce qui est en soi un aveu, plusieurs voix se sont élevées pour attribuer et imputer, de nouveau, les 200 000 morts de la décennie noire à l’armée algérienne. Soit… Cependant, ces personnes, qui sont peut-être de bonne foi, oublient qu’en essayant d’absoudre les islamistes de leurs crimes, elles les dépouillent de leur héritage, les spolient de leur patrimoine. En effet, les islamistes ont depuis le début de la légalisation de leur parti annoncé clairement qu’ils voulaient nettoyer l’Algérie. 

En février 1990, Abassi Madani lançait devant une foule fanatisée à Boussaâda : «Nous sommes prêts à sacrifier les deux tiers de la population algérienne pour permettre au tiers restant de réussir dans le cadre d'un Etat islamique." Je ne crois pas que c’est l’armée algérienne qui lui a écrit et mis dans la bouche ce discours génocidaire que ces émules allaient appliquer à la lettre. Même si l’armée algérienne a sûrement manipulé ou infiltré les groupes islamistes, comme font toutes les armées du monde confrontées à une guérilla. 

La même année, Mohammedi Saïd, ancien chef maquisard du FLN, reconverti à l'islamisme, mais surtout ancien officier nazi - il a servi dans la Wermarcht - se montrait plus précis le 5 juillet, à Alger: «Pour assainir, l’Algérie il faut liquider 2 millions de personnes.». Plus clair que cela, c’est difficile. Là aussi, est-ce l’armée qui lui a soufflé ce discours ? Un autre membre fondateur du FIS, FIS, Saïd Eulmi lança une «fatwa» autorisant les groupes armés à «tuer tous ceux qui sont contre le projet islamiste, y compris leurs proches, femmes et enfants ». Quant à Ali Belhadj, il criait, depuis son fief à Bab el Oued, et à qui voulait bien l’entendre : « Que la démocratie est kofr, impie, et que tous ceux qui s’en réclament, les démocrates, sont des apostats qu’ils faut tuer ». Après la dissolution du FIS, le parti mue en GIA dont la devise était : « Du sang, du sang, de la destruction, de la destruction. Ni trêve, ni dialogue, ni réconciliation ! ». 

Le 29 aout 1997, le massacre de Rais fait 300 morts, hommes, femmes et enfants sont massacrés à l’arme blanche ou brulés. Des femmes enceintes sont éventrées et découpées en tranches, des enfants sont taillés en morceaux ou jetés contre des murs. Les islamistes enlèvent juste les jeunes files blondes pour en faire des esclaves sexuelles et égorgent les autres, parce que brunes. Un survivant racontera que les assaillants leur ont dit : « nous avons toute la nuit pour violer vos femmes et les enfants, boire votre sang. Même si vous nous échappez aujourd'hui, nous reviendrons demain pour vous finir ! Nous sommes ici pour vous renvoyer à votre Dieu ! Le lendemain le GIA revendiquait les massacres de Raïs et de Ben Talha qualifiant les victimes « d'offrandes à Dieu ».

Durant les dix années de terreur, les islamistes réfugiés à Londres publieront chaque jour la liste de leurs victimes « impies », sans jamais être inquiétés par la police britannique. 

Aux yeux des islamistes donc les massacres sont commis pour faire plaisir à Dieu, tout comme les holocaustes chez les grecs, sauf que chez les grecs les sacrifiés étaient des animaux. Et toutes ses mises à mort trouvent leur source dans la Charia. Les islamistes citent souvent ce hadith attribué au Prophète par Boukhari « Quiconque change de religion mérite la mort ».في صحيح البخاري عن ابن عباس رضي الله عنهما عن النبي ﷺ أنه قال: من بدل دينه فاقتلوه

C’est à dire que l’apostat mérite la mort. Seulement aux yeux des islamistes on est très facilement déclaré apostat, il suffit qu’un homme soit surpris avec un verre d’alcool ou qu’une femme se dévoile pour voir leur tête tranchée. Je le redis ce que nous considérons, nous comme crime, est aux yeux des islamistes une bonne action, un cadeau pour Dieu. Je me souviens de cet ami, professeur à l’Université d’Oran chez qui les islamistes pénètrent en plein ramadan et lui annoncent qu’il doit mourir devant sa femme et ses enfants. Au moment où il lui met le couteau sur la gorge, son bourreau se penche pour l’embrasser et lui dit : « Mon frère, je t’embrasse car grâce à ta mort je pourrais plus tard manger à la table du Prophète au Paradis »… 

J’ai suivi hier l’enterrement de Abassi Madani, j’ai vu ces islamistes, rescapés d’un autre siècle, barbes et tempes blanchies. Je vous jure qu'ils m'ont fait pitié et je me suis dit : les pauvres, ils sont vieux, ils n'auront jamais la force de courir pour rattraper le train de la révolution en cours. J'ai pensé que ce serait vraiment criminel de notre part de leur arracher des mains ces 200 000 morts, qui sont les nôtres, certes, mais qui sont aujourd’hui leur héritage, leur patrimoine, le seul bien qui leur reste dans ce pays et peut-être la seule trace qu'ils laisseront dans notre histoire. Il faut dire combien ils ont risqué leur vie pour nettoyer et purifier ce sale pays. Pour nous rendre enfin présentables à la face de Dieu, ils n’ont pas hésité, les pauvres, à égorger tant de nos enfants, nos femmes et nos hommes. C’était pour notre bien pourtant… Nous étions tous loin de leur Islam. Ils ont fait ce qu’ils ont pu pour nous ramener sur la bonne voie. De grâce ne leur disputons plus ce lourd héritage, ces 200 000 morts sont les leurs pour l’éternité, ce sont comme ils disent des « offrandes offertes à Dieu ». Qu’on les enterre une fois encore entre leurs mains. Nos morts étaient pour eux des clés du paradis. Qu’on laisse nos 200 000 morts entre les mains des islamistes, et nous verrons s’ils ouvriront avec les clés du Paradis. 

Mohamed Kacimi

Le 7irak, Abassi Madani, ma mère et moi

Le 7irak, Abassi Madani, ma mère et moi

Abassi madani décédé

Aujourd’hui Abassi est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu une notification sur mon téléphone : « Abassi décédé. Enterrement demain. Sentiments mitigés » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.

Oui. Cela ne veut plus rien dire. Ça ne m’a rien fait. Ça ne me fait plus rien. La mort ne me fait plus rien depuis que ma mère est morte.

Ma mère n’aimait pas Abassi Madani. Elle lui en voulait de l’avoir traité d’« épervier du colonialisme », elle qui, justement, avait sacrifié sa vie à le combattre, ce colonialisme.

Moi aussi je ne l’aimais pas Abassi : d’abord parce qu’il avait blessé ma mère, et ça, c’est impardonnable. Ensuite, son discours politique ne me plaisait pas trop non plus : j’avais 18 ans en 1988, le premier 7irak, moins pacifique que l’actuel, m’ouvrait des horizons d’espérances et le discours de Abassi, mais surtout celui de ses partisans, mes amis, mes cousins, mes voisins, m’enfermait dans des frontières physiques et idéologiques que mon cerveau critique et plein d’hormones ne voulait pas accepter.

Avec mes amis, nous allions parfois les écouter, lui et Ali Benhadj, à la mosquée Benbadis, parce que je n’habitais pas très loin, parce que j’étais curieux d’entendre ces deux rockstars. Je voulais aussi assister à ce spectacle hallucinant. Mais je ne les aimais pas, parce que ma mère ne les aimait pas, et aussi parce que j’étais amoureux d’une fille et le discours du FIS me contrariait dans mes projets passionnés et charnels.

Avec mes copains, on redescendait après notre halte de curiosité vers Hussein-Dey ; je faisais toujours en sorte de leur faire faire un détour pour passer à côté de la maison de l’élue de mon cœur au cas où elle serait à la fenêtre. « 3achaq ettaqa ma yetlaqa » (« Les amants des balcons ne concluent jamais ») me disaient mes copains, tout en débriefant les discours ambigus de Ali et Abassi. On en parlait avec nos mots de jeunes lycéens. Je trouvais qu’Ali Benhadj avait plus de succès qu’Abassi. Que son discours était plus « agressif », voire plus « dangereux », plus « direct ». Je n’ai pas aimé. J’avais 18 ans et je sentais que c’était risqué. La fenêtre de l’élue de mon cœur ne s’est jamais ouverte. Et j’en ai voulu à Abassi, parce qu’il avait blessé ma maman, mais aussi parce que sa rhétorique politique servait à légitimer les discours enflammés de Ali Benhadj.

Après, quand tout a basculé dans cet inconnu, j’étais à l’université. Béton sans âme dans une cité nouvelle mais déjà morte. Morte autant que mes amours perdues entre Dergana et l’école vétérinaire à Bouraoui (la Cité, pas Amira)

Et puis dans ma tête, c’est allé très vite. Les années se sont écoulées à un rythme fou, les morts aussi. Par milliers. Inconnus, célèbres, voisins, proches, frères, sœurs, oncles. Tous, mais pas moi. Pas ma mère. Elle, elle en voulait encore à Abassi de l’avoir traitée et humiliée de la sorte. Elle en voulait aussi à d’autres, d’avoir tué Boudiaf à Annaba et d’avoir assassiné son frère, en bas de chez lui. Elle ne s’en est jamais remise. Quelque chose en elle s’était cassé. Brisé.

Moi je m’en suis remis, j’ai retrouvé l’amour grâce à celle qui deviendra ma femme. Mais j’en voulais encore à Ali et Abassi d’avoir pourri mes rêves de jeune Algérien. J’en voulais encore à Abassi d’avoir vexé ma mère en la traitant d’« épervier du colonialisme », parce qu’elle défendait des idées nationalistes différentes des siennes. Je leur en voulais aussi de nous avoir menés là où nous étions. Mais je n’avais plus dix-huit ans. Je n’étais plus un enfant et j’en ai voulu aussi aux autres. Ceux qui ont permis cela, ceux qui en ont profité pour s’enraciner et s’enrichir toujours davantage, ceux qui ont soufflé sur les braises de la peur. Je leur en voulais d’avoir fait perdre la mémoire à me mère, même si je la soupçonnais de l’avoir fait exprès, tellement elle était forte Yemma.

J’ai ensuite fait des livres, de la radio publique, pas très longtemps, puis de la télévision. Pas très longtemps non plus. Parce qu’on a lancé une fetwa contre moi. Ce n’était ni Ali, ni Abassi, mais un autre frère, pas un frère musulman, mais tout aussi nuisible et violent. Le frère de trop. J’ai donc quitté ma télé, ma famille, mes amis d’Hussein-Dey et d’ailleurs. J’ai quitté mon pays. Ce jour-là, sur le tapis roulant sans fin de l’aéroport de Francfort, ma femme et moi avions saisi que notre vie allait changer à tout jamais. Que nous devions nous réinventer. Le frère avait définitivement fait basculer ma vie. Il l’a détournée à tout jamais. Je lui en voulais. A mort.

Et un jour, ma mère est morte. J’en ai tellement pleuré que ça ne veut plus rien dire maintenant. J’ai détesté ma vie, mon exil, les grands lacs et les gratte-ciels. J’ai souhaité leur mort, je leur ai souhaité à tous une fin tragique. Horrible.

Et puis un jour, un peuple qu’on croyait mort est revenu à la vie, majestueusement, et a réveillé mes espoirs et mes larmes que je croyais asséchés. Le destin de l’Algérie s’en voyait changé à jamais. Encore une fois. Mon destin personnel n’avait plus d’importance. La révolution avait remis le fleuve détourné sur sa voie originelle.

Aujourd’hui Abassi est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas. Sa mort n’est pas rien. Elle a du sens. Cet homme fut important. Il a changé l’Algérie, il a « changé nos habitudes », il a changé nos destins… mais pas que. Et surtout pas que lui. Il est parti et on a cette étrange impression qu’il a échappé à quelque chose. Il ne s’est pas expliqué, il ne s’est pas excusé. Il nous a eus, et les autres aussi. Ceux qui sont responsables d’avoir changé ma vie, de m’avoir privé de faire le deuil de ma mère avec les miens. Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Je n’ai pas fait de liste comme Arya dans Game of Thrones. J’aurai dû, je sais. Mais je ne l’ai pas fait. Je m’en veux, un peu.

Cela m’a déprimé, mais je me suis souvenu de la Révolution du 22 Février. Je me suis aussi souvenu qu’Abassi Madani est mort à l’âge de 88 ans. Ses complices sont aussi vieux que lui. Et sa mort, aujourd’hui ou peut-être hier, prend tout son sens. Elle n’affaiblit pas le 7irak, bien au contraire : elle lui offre une dimension supplémentaire. Abassi n’a pas vraiment répondu de ses actes devant la justice de son pays (même s’il fut condamné à quelques années de prison) ? Ses complices aussi ne le feront pas ? Qu’importe ! Que le vent les emporte tous ! Ceux qui ont échappé à la justice de leur pays n’échapperont jamais au jugement de l’Histoire.

Aujourd’hui Abassi est mort. Demain, ça sera un autre. Aujourd’hui ma mère est vivante. Son Algérie aussi. Elle a toute la vie devant elle. Elle n’a pas 88 ans. Elle a tout juste vingt-ans. L’âge de tous les espoirs. De tous les rêves.

Abdallah Benadouda

samedi 20 avril 2019

Printemps berbère : longue et douloureuse marche pour la liberté


Aujourd’hui correspond au 39ème anniversaire du printemps berbère. Et nous sommes encore là à manifester dans rue car le système autoritaire est toujours en place.

Certes, des pas importants ont été franchis. Mais il reste l’essentiel : l’ouverture du champ des libertés. La démocratie est d’abord un fait avant d’être un concept.

En osant se réapproprier l’espace public et en brisant le monopole du parti unique sur la parole, le printemps amazigh est incontestablement le précurseur et le catalyseur du combat démocratique en Algérie.

Seulement, la propagande indigne de la dictature et ses effets sur les imaginaires sociaux l’ont empêché de s’étendre et de s’épanouir. Quelques séquelles résiduelles sont encore présentes dans la société
.
Si le pouvoir avait pris le soin d’entendre le message porté par le printemps 80, le pays aurait évité beaucoup de drames.

L’insurrection citoyenne actuelle est dans certaine mesure le prolongement du printemps berbère. Et cette fois, le système n’a pas d’autres choix que de disparaître
.
La libération est proche. Elle prendra la forme que lui donneront les acteurs réellement attachés au changement radical. L’Algérie sera démocratique ou ne sera pas.

En ce jour de commémoration et de combat, ma pensée va à tous nos camarades militants disparus. Parmi eux, les compagnons de prison et je cite Berdous Maamar, Bacha Mustapha, Mhamed Rachedi, Boukrif Salah, Achour Belghezli et Zadi Farid.

Ma pensée va au jeune Amzal Kamel. Son assassinat abject portera à jamais l'empreinte d'une complicité flagrante et criminelle entre l'autoritarisme nationaliste et l'intégrisme islamiste. Complicité qui prendra par la suite la forme d'une entente contre le peuple algérien et qui peut resurgir à tout moment.

Comment puis-je oublier mon ami Lounès Matoub, lui qui a tout donné à la cause amazighe et au combat démocratique.

Ma pensée va aussi aux 128 victimes du printemps noir, froidement assassinées par la dictature. Des victimes sans coupables, un drame non encore élucidé.

Je ne peux oublier les victimes du terrorisme et les disparus. Autre drame non élucidé.

Une pensée particulière aux martyrs de 1963 et à tous les militants démocrates partis dans la douleur et le souci du pays.

Enfin, un hommage aux chouhadas de la guerre de libération nationale dont la mémoire est sans cesse torturée par les usurpateurs de toutes sortes.

Mais il y aussi les autres victimes, celles dont ne parlent jamais ou très peu. Ce sont les harragas, les malades qui meurent faute d’un système de santé performant, les femmes battues ou encore ceux qui se suicident par désespoir.

Les suppliciés de la dictature sont très nombreux. Pardon de ne pouvoir tous les citer.
Tel est résumé le bilan macabre du système en place. Peut-il encore rester ?

Djamel Zenati

Algérie : Au tribunal des invisibles de la révolution du sourire



Quand je me suis rendue au tribunal d’Alger à Abane Ramdane, pour aller voir de plus près comment étaient traités les manifestants arrêtés, avant, pendant ou après la 8ème manifestation du vendredi, dans un contexte de révolution pour la citoyenneté adoptée par des magistrats, des avocats, des journalistes et des militants des droits humains, tous se précipitant à la rencontre du « peuple formidable », j’étais loin de me douter à quel point j’allais trouver « le peuple » bien seul.

Il était parqué derrière des barrières, derrière le tribunal, côté garage, et il attendait, les yeux rivés sur les paniers à salade qui ramenaient les prisonniers pour leur première comparution devant le procureur de la république. C’était lundi 15 avril, jour d’audience.

La majorité « du peuple » était des mères, femmes au foyer ou femme de ménage, éplorées comme d’habitude devant les tribunaux, comme hier les mères des disparus, les mères victimes du terrorisme, elles découvraient une nouvelle géographie du monde en voyageant dans le sombre univers de la machine policière et judiciaire, accompagnées de leurs filles et de leurs poussettes. Et si les pères étaient plus discrets, les frères aussi étaient là, frères de coeur, ou de sang, nombreux à la recherche du voisin de vie interpellé. Je pensais trouver des journalistes, des caméras, des selfies, des drapeaux comme à la Grande poste, je m’étais trompée, je n’ai trouvé que le silence d’une cinquantaine de personnes qui chuchotaient, totalement désemparés. Est-ce que ce qui se jouait ici était extérieur au Mouvement du 22 février? Il faut croire que oui, c’était comme si l’affaire était privée et relevait du droit commun, des drames de famille en galère entre enfants délinquants et justice.

Je n’ai pas tout de suite compris ce qu’elles attendaient, ainsi parquées pendant que des policiers en uniforme et en civil, faussement débonnaires, les surveillaient de près, venant, quand elles s’engageaient pour se rapprocher, les rassurer tout en les repoussant, « ne vous inquiétez pas, ceux qui n’ont rien fait seront libérés ». Quel aveu, il y a donc bien des personnes arrêtées pour rien ; et ceux qui ne seront pas libérés, qui jugera de ce qu’ils ont fait ? J’étais loin de me douter, là aussi, à quelle point cette distinction, véhiculée par la propagande rassurante de la police, allait m’expliquer cette absence de solidarité avec ces algériens anonymes raflés lors des marches.

Ce que ces rendus invisibles attendaient, c’était l’arrivée de ces vieux paniers à salade blancs desquels ils espéraient voir descendre leur fils, leur frère, leur ami, les interpellés du vendredi dont certains était sans nouvelles après quatre jours de garde à vue, une éternité. Selon la loi, la garde à vue est de 48 heures, et elle ne peut être prolongée que par un officier de la police judiciaire et avis du procureur, mais qui se soucie de la loi ? Ils ne savaient même pas si le leur serait présenté au procureur de la république aujourd’hui ou bien demain.

« Je veux juste voir mon fils sortir ».

« C’est trop, ils nous ont volé nos enfants. Pourquoi ils nous font ça ? ils nous ont blessés, ils nous tuent». Au début, cette célibataire de 37 ans, travaillant dans un centre d’appel, était réticente à me parler, elle ne comprenait pas trop ce que je lui voulais et qui j’étais, une journaliste sans caméra, sans portable, ça existait encore ? Le malheur est peu bavard. Naïma cherchait des yeux son « petit frère, c’est mon coeur ». Comme toutes les personnes présentes, Naïma ne fait rien d’autre que chercher son frère depuis son interpellation, trois jours déjà. D’abord il a fallu chercher dans quel commissariat « il a été jeté », sans aucun droit, il a fallu trouver une connaissance, « tu connais ce pays, tout est maarifa » pour obtenir et sa localisation et un droit de visite. La rencontre fut terrible : « Quand il a vu ma mère, il m’a dit : « pourquoi tu l’as ramenée ? » il ne voulait pas qu’elle le voie dans cet état, puis il s’est tu, il était cassé. » Ces mères terribles à force d’amour pour leurs fils, au bord de la crise des nerfs, elles prient, elles se mettent en pénitence, s’interdisant de manger, de boire, de dormir, elles pleurent, elles ont le diabète, la tension, elles souffrent, spectaculaires, « Ils veulent nous faire sortir notre coeur ». Le petit frère n’a que 24 ans, il est chômeur même s’il a « un métier dans les mains», il a été arrêté au niveau du Telemly avant même que ne commence la marche, fouillé, il a été immédiatement embarqué. Pour son malheur, il avait oublié, idiot, un petit bout de shit dans ses poches, « mais ce n’est pas un voyou, il dort toute la journée et c’est moi qui lui paye ses cigarettes pour qu’il ne traîne pas dans la rue ». Quel malheur, lui qui « ne connaît rien de la vie », il risque jusqu’à 2 ans de prison pour une poussière de plaisir si la justice considère « qu’il a fait ». Chaque histoire est différente mais toutes racontent la même expérience de l’aléatoire et de l’impuissance, une mère me dit : « Pour l’instant je ne sais rien, dans ma tête, là, maintenant je veux juste voir mon fils sortir ».

« Les listes ne sont pas prêtes. »

C’est par les amis du quartier, el houma, qu’ils apprennent la nouvelle, « votre fils a été arrêté », aucun d’entre eux n’était préparé « On ne connait pas ce monde là ». Ils n’ont aucune information sur le lieu de détention de chacun, la seule chose qu’ils savent, c’est que leurs téléphones ne répondent plus. Légalement, les personnes interpellées ont le droit à un appel, justement pour informer leur famille, et à une visite médicale, on ne sait jamais, un droit interdit de fait puisque la première chose que font les policiers dans les commissariats c’est de les leur confisquer. Leurs témoignages disent l’ampleur des arrestations, officiellement, ils auraient été ce vendredi 100 à avoir été interpellés, mais devant tous ces témoignages, il n’est pas interdit de se demander si ce chiffre n’est pas sous- estimé .
De Cavaignac au commissariat du 8ème à Bab El Oued, le 5ème etc... les policiers sont débordés, les commissariats d’Alger sont pleins, semble t-il, au point de ne plus savoir où mettre tout ce monde, ce qui fait que bien qu’arrêtés à Alger, certains se retrouvent à La Pérouse, à Zéralda où ils sont accueillis mais non identifiés, « les listes ne sont pas prêtes ».

Une mère raconte, c’est grâce à un piston qu’elle a pu voir son fils aîné, 24 ans lui aussi, niveau terminale, il travaille dans un atelier de confection, elle vient de la banlieue d’El Hraoua, il a été arrêté sur l’autoroute, après la manifestation, par les BRI, malheur à ceux qui tombent entre leurs mains : « Il avait les yeux gonflés, ils les ont frappés, sa jambe je ne sais pas ce qu’elle avait, il avait du mal à marcher, sa poitrine, il avait du mal à respirer »Pour plaider sa cause, prouver qu’il n’était pas un voyou, elle avait ramené sa fiche de paye, ils n’ont pas voulu la prendre. Oh mon Dieu, préservez nous».

Le fils de cette autre femme qui vient de Birkhadem n’a que 18 ans, il travaille lui aussi dans un atelier à Alger même le vendredi, il était sorti lui aussi au niveau du Telemly pour la pause déjeuner avec un travailleur comme lui, un paysan qui vit dans l’atelier et qui ne retourne en Kabylie que quelques fois par an, quand la police a voulu l’arrêter il s’est interposé pour plaider sa cause, embarqué. « Haggarine, la police, dit-elle, ceux qui cassent avec des cagoules ils se sauvent et ils embarquent les fragiles. Quand je l’ai vu, il avait le moral à zéro, une minute et quand il a voulu me parler, un policier lui a dit, tais toi, si tu n’avais rien fais tu ne serais pas ici. Qu’est ce qu’il a fait mon fils ? »

« Moi mon fils était sorti pour manifester, on ne ment pas devant Dieu, parce qu’on est contre ce système, on est sortis et on continuera à sortir, mais j’ai peur qu’ils lui montent une affaire, si il est jugé parce qu’il a marché, je n’ai pas peur. » Elle habite à Birtouta, elle aussi son fils de 24 ans est chômeur, il a fait des stages mais pas son service national, alors qu’il s’apprêtait à rentrer en fin de journée avec un copain qui avait une moto, ils ont été interpellés, il n’avait pas ses papiers d’identité alors ils l’ont embarqué. « Il n’y a pas de place pour ces jeunes et en plus ils les jettent en prison. On n’a pas encore eu de PV, on ne sait rien, est-ce qu’il faut prendre un avocat, qu’est -ce qu’on peut faire? »

La plupart de ces rendus invisibles sont chômeurs, vendeurs à la sauvette, ouvriers, travailleur à la RSTA, et extrêmement jeunes, ils arrivent des banlieues, Birtouta, de Hadjout, de Tipaza, Zeralda, Badjarah, Aïn Benian. Que des zawaliya, me dit cette mère femme de ménage de Birtouta, « j’ai arrêté de travailler et je n’arrête pas de pleurer, mon fils est si jeune, il n’a que 24 ans et il est receveur à la RSTA, il a été arrêté à la Grande poste mais il m’a dit, je n’ai rien fait, alors j’attends de voir s’ils vont le libérer ou le garder, je n’en sais rien, j’attends, l’espoir. ».

La plus âgée des personnes arrêtées parmi les gens rencontrés a 40 ans. Ancien militaire, après 20 ans de service, il a démissionné en dépression grave, « il est malade » dit son frère et quand les policiers ont commencé à taper le peuple à la Grande Poste, ils l’ont frappé lui aussi à plusieurs sur la tête, quand je l’ai vu, il avait une grosse bosse rouge, alors il s’est défendu et il a frappé lui aussi. » C’est ce que la version de la police appelle « il a fait ». Et quand je leur demande s’ils ont pensé à prendre un avocat, ils répondent perturbés : « Pourquoi faire, on ne nous a rien dit », ou encore « Pour quoi faire, ils n’ont rien fait, ils vont les relâcher » et les plus avertis : « Avec quoi veux- tu que je prenne un avocat, pour qu’il se dresse une seule fois, il faut 50 000 da, où veux- tu que je les trouve ? »
Du petit matin à deux heures de l’après- midi, ils ne bougeront pas, ils attendent que l’audience s’ouvre, si elle s’ouvre.

« Présent. »

Le manque de solidarité constaté, la solitude de ces couches sociales qui quand « elles mangent à midi, ne mangeront pas le soir », déjà exclues économiquement et socialement et aujourd’hui abandonnées à la justice et à la police, alors que l’on est censé combattre un système autoritaire, dont les armes essentielles sont la justice et la police, participe d’une autre exclusion : leur exclusion de la représentation politique. Comme une dépossession de leur rôle d’acteur par les couches sociales dominantes et qui souhaitent diriger ce mouvement, oublieuse que ce sont eux « le plus grand parti d’Algérie », ce sont eux qui ont apporté au Mouvement sa force, sa langue révolutionnaire, leurs chants de résistance fabriqués dans les stades et leurs slogans, itnahwgaa, el ‘issaba, la Casa d’El Mouradia, la liberté ne nous fait pas peur, makanche el khamssa, et que ce sont eux qui nous ont ouvert les portes de la ville comme des béliers, dans lesquelles elles se sont engouffrées et se dévoilent par leurs pratiques et leurs « feuilles de route » qui ne dessinent que le contour d’un projet de classes possédantes.

Pour s’en convaincre, il suffit de voir arriver les prévenus, si jeunes mon Dieu, si jeunes et si beaux, ils sont défaits. Les yeux cernés de noirs, épuisés, ils ne portent pas fiers sur le banc des accusés. La tête baissée, honteux, Ils ne sourient même pas à leur mère dont ils évitent le regard qui les accable en pleurant. Ils ne balaieront même pas la salle de leur regard peu curieux de cet entre- soi. Il aura suffi de ces quatre jours de garde à vue, nourris de pain et de salade, nourris du mépris, de l’humiliation habituelle, pour transformer leurs corps qu’ils avaient mis en mouvement en marchant en corps cassés.

Ecrasés, ils n’auront pas de voix, juste celle de répondre à l’appel de leur nom : « présent »
Autant l’attente aura été longue, autant l’audience est expéditive. La justice rendue au nom du peuple et en public est inaudible, il n’y a pas de micro et depuis les bancs, on n’entend rien, c’est comme assister à un huis clos codé entre la juge et les trois ou quatre avocats constitués pour trois ou quatre prévenus alors qu’ils sont 19 à la barre.

On comprend vaguement que ceux qui « n’ont rien fait » seront libérés à la fin de l’audience, même pas le peine de lire leurs noms, et qu’en revanche, ceux dont les noms suivent, et qui « ont peut-être fait », leur affaire est renvoyée au 29 avril, et que cette nuit, munis d’un mandat de dépôt, ils passeront leur première nuit de « petit frère » dans une vraie prison. « Va lui acheter un sandwich, murmure une avocate à Naïma livide, qui s’exécute comme un petit soldat. Une mère s’effondre de tout son corps dans un bruit assourdissant, évanouie, elle est pressée de se lever sans ménagement par un policier qui souhaite maintenant évacuer la salle. Les mères heureuses poussent des yous-yous, ouf, la preuve vient d’être faite que leurs fils ne sont pas des voyous. Pour les autres, le cauchemar continue, mais au nom de Dieu, comment on fait maintenant pour avoir un avocat ? demande l’ami de celui « qui n’a rien fait, je vous jure qu’il n’a rien fait, il avait un bâton j’étais présent qu’il avait enlevé à un enfant parce qu’au bout il y avait un bout de fer, un bâton du drapeau qui s’était cassé, je vous jure j’étais présent. » Dans cette justice de l’urgence en comparution immédiate, le temps de comprendre, il est déjà trop tard. Une avocate à des familles qui ont perdu leur boussole, décode pour nous tous ce qui vient de se passer : « La juge a été clémente, en renvoyant les affaires elle s’est donnée les moyens de ne pas être sévère, si elle les avait jugés maintenant elle les aurait sacqués, après quinze jours de prison, elle pourra juger qu’ils ont payé et peut-être les libérer. » Peut-être pas.

Était-il nécessaire de les envoyer en prison pour un bout de shit, un bâton, une pièce d’identité manquante comme des criminels ? Leur affaire est renvoyée au 29 avril, les autres, sur les 82 prévenus entendus aujourd’hui par le procureur de la République, se partagent en deux groupes, l’un vient d’être libéré par la juge et l’autre groupe absent de l’audience, avait été envoyé à la sortie de chez le procureur en prison et en instruction pour enquête, ceux- là risquent le plus, des preuves « accablantes » sur le dos, genre, une vidéo, une preuve de leur violence, ceux- là, «ils ont fait », sans l’ombre d’un doute.

Ces arrestations qui ne sont pas portées politiquement par un Mouvement auquel tous ces jeunes garçons pensaient appartenir et qui les a entraîné à le penser sont destructrices, elles participent par sa périphérie à sa destruction, ne pas le comprendre rend indignes tous ceux qui prétendent aujourd’hui faire de la politique et combattre le système.

Quand une ligue des droits de l’homme, des militants politiques très en vue, les médias dénoncent la répression des étudiants, des militants d’association arrêtés arbitrairement, etc. et se taisent sur les arrestations massives des jeunes des quartiers populaires, des banlieues, des chômeurs, en déclarant que « le hirak condamne ces violences », alors qu’ils n’ont aucun mandat pour parler en son nom, il y a comme un abandon à la justice et à la police de la définition de la violence. En se regardant dans son miroir pacifique, ce discours condamne à ne pas voir ce qui se passe entre une partie des manifestants et les forces de répression dont il reprend la langue, ce qui équivaut à se faire complice de la répression d’une partie du mouvement sans questionner politiquement, ni les conditions de l’émergence de violence, ni sa définition autonome de la violence.

Ce discours moral et apolitique, définit deux collèges de militants, ceux qui ont droit à notre solidarité et ceux qui n’ont droit qu’à « la justice » en plus sans avocat. Il ne nous appartient pas de dire qui est coupable et qui est non coupable mais un Mouvement pour le changement est en droit de questionner les conditions dans lesquelles « ses » manifestants sont arrêtés et jugés. Depuis quand y a t-il une justice en Algérie ? Ce discours délégitime les luttes populaires en les déshumanisant, en les rendant invisibles et en ne leur reconnaissant pas le rôle d’acteur au «peuple » dans le Mouvement, même si on apprécie sa précieuse puissance. Qu’est -ce que dit ce discours quand il ne se solidarise pas avec les plus démunis socialement et économiquement, ni fiche de paye, ni parti, ni épaule, ceux que les mères appellent « le peuple maigre » ? Tout changer pour que rien ne change, pour « les voyous » qui gâchent le cliché de la « révolution du sourire », comme disent ceux qui ne savent pas ? Il est où le sourire ?

Ghania MOUFFOK

Algérie : D'avril 1980 à avril 2019

Avril 1980 -Avril 2019 - Algérie

D'avril 1980 à avril 2019, c'est une très longue adhésion aux cortèges des manifestations à laquelle il me manquait d'inscrire la Silmiya, cette "révolution du sourire" qui séduit le monde par son caractère civique et pacifique, déjà couronnée par la chute d'un despote. Un résultat historique que l'on célèbre avec une certaine frustration faute d'avoir été au milieu de ceux qui le 22 février ont dit "non au 5e mandat" de Bouteflika.

On a beau adhérer à distance au mouvement l'absence est ressentie comme une blessure qui creuse, inaccessible à n'importe quelle "téléthérapie". Il faut que le corps soit fouetté par le vent chaud de la révolte, que la conscience soit saisie directement de la rage jaillie des profondeurs de la société pour que la peine soit apaisée. Pour cela, il a fallu un long souffle que la seule démission du despote n'a pas émoussé, étiré par le désir du peuple d'arracher l'ensemble du système qui a détourné le fleuve de l'indépendance de son cours de la liberté.

Que de chemin parcouru depuis avril 1980 quand une insurrection estudiantine partie de Tizi-Ouzou est arrivée après plusieurs semaines à Alger. Il fallait un immense courage à quelques centaines d'étudiants pour braver la police et se rassembler à la Place du 1er mai, puis quelques temps après de franchir le portail de la Faculté centrale fermé par un mur de policiers pour se retrouver sur ces lieux qui sont aujourd'hui l'épicentre de la "silmiya". Il avait fallu affronter les matraques de la police et les arrestations. Mais aussi subir toute le propagande du régime auprès d'une population à la conscience politique sommaire, y compris ses élites: nous étions des séparatistes, des suppôts de l'impérialisme, des résidus du colonialisme accusés en plus du suprême outrage d'avoir brûlé le Coran et l'emblème national. Avril 1980 restera comme la première fissure provoquée dans la citadelle du parti unique avant les ouvertures béantes de 1988.

Dans les années 90, il a fallu manifester pour la démocratie, contre l'intégrisme et et le terrorisme et dans les années 2000 contre la répression et le projet de réinstaurer une forme d'unicité sans même le parti. Une allégeance à un homme élevé au rang d'une divinité par des légions de thuriféraires qui ont eu l'indécence de rétablir ce que leur propre religion a banni: le culte des idoles. L'indépassable soumis Sidi Saïd avait promis la fête pour le 18 avril. Et bien on lui fait la fête. A lui et à tous les larbins.

D'avril 80 à ce jour donc autant de démonstrations qui ne se sont jamais déroulées dans l'unité que l'on voit depuis le 22 février. Parfois même, des composantes de la société manifestaient contre d'autres au grand bonheur du système qui sait manier la règle du "diviser" pour régner. Cette fois, tous ses arguments ont été déjoués: il s'est révélé être lui même cette main de l'étranger en allant quémander des soutiens partout, le prophète du chaos en agitant le risque d'une dérive à la syrienne ou à la libyenne. Autour de la "silmiya" toute l'Algérie s'est rassemblée et le pouvoir se retrouve désarmé.

Quand pour ce 9e vendredi, l'exil libère une de ses proies pour la jeter dans les rues d'Alger, l'émotion l'étreint jusqu'aux larmes. Qu'importe si la voûte céleste s'est habillée de gris les couleurs de l'arc-en-ciel sont dans la rue, dans le sourire des manifestants. Dans la joie qui déborde de partout. On est d'abord saisi par le nombre de femmes que les vendredis ont pour habitude d'enfermer dans les servitudes domestiques ou les visites familiales pour les plus chanceuses. Cela ne ressemble en rien aux autres manifestations, pas même celle des démocrates du 10 mai 1990 ni celle du FFS du 3 janvier 91. Les familles politiques étaient alors divisées. En voile ou en jean's et cheveux au vent elles marchent cette fois la main dans la main, crient les mêmes slogans et éructent de la même colère. Et qu'importe l'âge. A la sortie de la station de métro Grande Poste, une vieille drapée du drapeau national exhibe sous forme d'acrostiche sa haine du FLN et du RND : Fous Lâches Nuisibles, Renégats Nocifs Démoniaques. L'âge justement n'entraîne pas la retenue des aînés. Ils chantent et dansent comme tout le monde. Pas plus que l'allure: les visages les plus austères se sont déridés. On chante sous la barbe. Sous les yeux rieurs des femmes et des enfants.

Des trentenaires dont l'enfance a été happée par la décennie noire et la jeunesse rongée par le règne Bouteflika disent leur rage de ne plus relâcher la patrie reconquise. "On ne donnera plus jamais nos corps à la mer", jure l'un d'eux heureux de se sentir enfin citoyen. "Zawaliya dawla qatlathoum, al-harraga rebi yarhamhoum', chante un groupe.

La foule dément les sombres informations que les légions d'abrutis diffusent sur les réseaux sociaux: le drapeau de Tamazgha flotte avec l'emblème national. Parfois, les deux voisinent avec le drapeau palestinien. Les supporteurs de foot chantent à l'unisson "libérez l'Algérie". Qu'ils soient du Mouloudia, de l'Usma, de Belcourt et d'El Harrach comme le montrent les drapeaux de leurs clubs respectifs.

On ne marche pas d'un point vers un autre comme cela se faisait avant. On ne va pas de la Place du 1er-mai à la Place des Martyrs. On étreint la ville. Toute la ville. Alger est débarrassée de sa morosité vénusienne. On s'arrête, on tourne, on se retourne. Mais la détermination est là. Et ce n'est pas le ramadhan qui va l'entamer. "On marchera tous les soirs entre les tarawih ete l'imsak", promettent des vieux. Jusqu'a ce que "yatnahaw ga3".

Pour ce 9e acte, la fête a été totale. Au boulevard Mohamed V, les policiers ont laissé les traces de leur Ranger's sur un mur. Ils ont gardé leur bouclier sur le côté. Le pied adossé au mur. Ils n'ont pas eu à intervenir...

Amer Ouali

Gaïd Salah est-il avec ou contre le peuple algérien ?


Ma réaction aux graves fausses idées bien ancrées dans les têtes de centaines de milliers de jeunes à cause d’un matraquage au travers de tous les moyens de propagandes :
1. Je dis aux jeunes qui ont été bercés par les discours haineux de certains opposants consistant à dire que le français est la langue du colonisateur et qu’il ne faut ni l’enseigner ni l’apprendre, je leur dirai que ces opposants appliquent clairement l’adage : « Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais », car tous ont appris et parlent couramment le français. Si l’on veut que la France cesse de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Algérie, ce n’est pas par la haine, l’ignorance et les prières mais bien par l’amitié, la science et la technologie. Qu’on sache enfin qu’être francophone n’est pas synonyme d’être francophile mais c’est être chanceux de connaître une langue étrangère pour communiquer. Chacun, selon ses propres intérêts, est libre d’apprendre les langues de son choix.
2. Quand via Facebook, je harcelais le Chef des armées, Ahmed Gaid Salah à coup de lettres ouvertes, pour lui demander de se ranger aux côtés du peuple pour l’accompagner dans son combat afin de se débarrasser des têtes de la mafia, la même clique d’opposants qui vomissait les généraux, lâchait sur moi (et sur ceux , comme moi, ne concevaient pas le départ des Bouteflika qu’à travers un soulèvement populaire sous la protection de l’armée), lâchait sur moi, leurs adeptes par centaines, à coups de vidéos sur les réseaux sociaux, débats télévisés, depuis Londres, Alger, Genève et Paris, pour déposer sur ma page les commentaires les plus abjectes, m’accusant de « militarophile ». 

Aujourd’hui ces mêmes opposants, ces mêmes mentors, depuis Londres, Alger, Genève et Paris, instruisent leurs mêmes adeptes de soutenir Ahmed Gaid Salah et les généraux. Récupération, ironie ou stratagème ? Le temps nous le dira.
Je regrette , tout comme tous les vrais démocrates, de ne pas détenir les moyens financiers comme les opposants de Londres, Paris, Genève et Paris, pour créer des télévision, radio, presse électronique et téléweb, pour initier les jeunes aux vraies valeurs de la démocratie.

Layla Haddad.

Le printemps berbère, qu’évoque-t-il pour moi ?

20 avril printemps noir

Je voudrais d’abord, en ce triste anniversaire du 20 avril 1980, rendre hommage aux précurseurs du printemps algérien, je dénonce la répression criminelle qui avait fait 126 morts et des milliers de blessés.

En ce triste souvenir, j’appelle le régime algérien de les élever au rang de martyrs, de demander PARDON à leurs familles. J’attends de la prochaine Constitution qu'elle maintienne non seulement le statut officiel de la langue Amazigh mais aussi:

-De la proclamer 1ere langue du pays en ajoutant un avenant qui précisera que l’Etat doit mettre tout en œuvre pour généraliser l’apprentissage de la langue Amazigh dans toutes les écoles de la République,


- De traduire à L’amazigh tous les documents officiels, à commencer par la Constitution le Journal Officiel.


- De mettre en place une véritable stratégie d’Amazighation et d’harmonisation de la langue.


-De lancer une coopération d’envergure avec tous les pays amazighophones de la région.


La langue Amazigh n’est pas un folklore, n’est pas une chanson ou une danse, n’est pas un emblème, n’est pas un mini journal télévisé à 18h00, n'est une enseigne au dessus d'une porte d'un magasin... 


La langue Amazigh est la langue majoritaire de l’Algérie et de beaucoup d’autres pays. Elle n’est pas une langue morte , elle n’est pas un dialecte, elle n’est pas une langue rare, c’est une langue qui est parlée par plus de 150 millions d’habitants, de l’Égypte, au Soudan, en passant par la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, et jusqu’au Mali, Niger et la Centre- Afrique…

Aucune langue n’est divine, aucune langue n’est sacrée, elles sont toutes le fait de la nature, de l’évolution de l’Histoire, de la Culture et la civilisation de l’Humanité toute entière.


Layla Haddad



Marcher en Algérie

Femme algérienne et harcèlement

Hier je suis sortie marcher, ah non pardon je m'embrouille, c'est les hélicos qui font de l'ombre à ma mémoire, c'était avant hier, mais ça tout le monde s'en fout, moi la première, j'ai donc croisé un vilain monsieur, très laid sur les bords ( je ne l'ai su qu'après) mais bien sapé, il m'a cédé le passage avec un revers de main sûrement en pensant " yjouzou ga3", j'ai accepté le défi, je suis passée, mais mon rétro latéral s'est enclenché wahdou, par habitude? Par certitude? Je l'entends susurrer un "hourriet El mar'a" ...voilà, il y avait là un dessein, me laisser passer n'était certainement pas un acte inné de bienveillance ou d'éducation citoyenne apprise un vendredi à la mosquée ou chez Maurice, pas Ravel, lui j'en parlerai next time quand il y aura moins de bruit, ma 3linach, j'ai continué ma traversée du con, un fleuve sans amont, mais un avaloir au bout, il avale tout ce qu'on lui dit tout ce qu'il entend tout ce qu'il ne comprend pas tout ce qu'il trouve facile à mâcher...je me dis Alea jacta est, j'ai franchi la ligne d'acceptation maintenant j'assume et je vais droit devant, mais c'était sans compter sur la ténacité de ce messager instruit par tant de patriotisme flamboyant .." rana ga3 kifkif, on veut la liberté" ....euuuuh d9i9a, chkoun ga3 hadouma, ah non machi koul dawra " ga3" menna "ga3" melhik, mon "ga3" à moi n'est pas ton "ga3" à toi, si tu te rappelles dans la blague de "ga3 c'est ga3" la fin n'est pas très jolie, je ne veux pas que ton "ga3" s'associe au mien, bon ça c'est mon cerveau qui dialoguait avec mes sentiments, en vrai j'ai juste souri en lui disant, bien sûr la liberté! Youhou vive la liberté! " ma3lich nahder m3ak chwia" ..." smahli rani mezrouba" .." khams d9aye9" ..." désolée" .." ma3lich nemchi m3ak we nahadrou".." non, c'est bon" ......." thabou la liberté bessah ma testahlouhach" .." OK bébé" ..j'ai cherché frénétiquement mes écouteurs que je ne trouvais pas, merdeuuu je vais devoir marcher et écouter, je ne veux pas écouter, je veux marcher seule avec mes idéaux mes convictions mes questionnements mes doutes mes faiblesses mes certitudes et mes putain d'écouteurs. Ah les voilà....la vie est belle le destin s'en écarte personne ne joue avec les mêmes carte le berceau lève le voile multiples sont les routes qu'il dévoile tant pis on n'est pas né sous la même étoile, et bim.

Miss Sissy

Le féminisme en Algérie

Féminisme et droits des femmes en Algérie

Parce qu'aujourd'hui, dans mon fil d'actualité Facebook, à mon grand bonheur j'ai vu beaucoup de publications d'hommes, positives et remplies de bienveillance et de sympathie à l'égard des femmes mais qu'également j'ai déploré pléthore de posts prostituant le "féminisme", la désolidarisation et le "machi wa9tisme" de certains. Et parce qu'en ma qualité de femme, ce sujet me tient à cœur...

Comprenez messieurs (ceux de la seconde tranche :D), que personne ne veut vous castrer mais que le "kick them all out" passe aussi et surtout par l'abrogation du code de l'infamie, ce dernier étant un instrument du système.

Sachez aussi messieurs, que les femmes savent que la priorité est au "changement" et à la refonte (par la suite) du système juridique qui assurera les droits de chaque individu. Elles savent également que notre société est une société patriarcale et conservatrice, une société au sein de laquelle il leur faut sans cesse, être sur le qui vive quant à leurs droits au risque de les voir bafouer.

Ce que font les "féministes" aujourd'hui (et depuis longtemps) est un travail de sensibilisation nécessaire pour faire évoluer les mentalités avant de devoir, plus tard, se battre encore pour changer les lois.

La solidarité et le soutien des hommes sont précieux pour la cause féminine. Les femmes vous aiment et vous veulent toujours à leurs côtés contre ce qui pourrait, sournoisement, nous abîmez tous.

"Si on va dans le sens de la liberté des femmes, on avance dans l’émancipation générale. Car le viril ordinaire ne rabaisse pas seulement les femmes ; pour s’affirmer, il rabat tout ce qui n’est pas lui et qu’il considère comme « efféminé » : l’esclave autrefois, l’intellectuel, l’artiste, les minorités sexuelle, ethnique et religieuse, le juif en particulier, l’étranger…"

N.B.: Je ne me considère pas féministe, je suis allergique aux termes génériques et je ne compte pas investir dans l'implantation de vagins artificiels aux individus de sexe masculin même si je prône le "كلّ واحد يدفن بوه كي بغا".
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Raja A.

Algérie : Pourquoi les flics répriment-ils les étudiants et pas les manifestations du Vendredi ?

Étudiants algériens contre Bouteflika et le régime

Parce qu’ils ont peur des étudiants. C’est bien pour cela qu’ils les ont envoyés en vacances forcées et prolongées. Mais pourquoi ont-ils peur des étudiants ? Parce qu’ils ne sont pas une masse inconnue.

Les étudiants c’est déjà moins diffus que “ Le peuple”, les étudiants discutent et dégagent des idées concrètes dans les amphis et dans les classes. Ils sont depuis longtemps organisés en comité et peuvent très vite devenir un interlocuteur, un vis-à-vis, du moins avoir un ou plusieurs représentants qui pourront être les visages de la révolution. C’est bien cela la peur du régime : Des noms, des visages.

Jusqu'à présent, on parle de “7arak” “Echa3b”, mais le cha3b ou bien on l’ignore, sinon on le flatte, mais on ne dialogue pas avec lui. On parle avec une personne ou même 100, on ne peut pas parler a 20 millions de personnes et tant que le peuple reste une entité abstraite, le régime s’en accommodera et n’hésitera pas dans sa sournoiserie légendaire à en faire les louanges. C’est pour cela que l’on réprime aussi les petits groupes.

2000 flics pour 20 journalistes de l’ENTV. Arrestation de membres d’associations protectrices des animaux. Harcèlement des avocats etc. C’est aussi pour cela qu’ils ont, depuis le début, lâché leurs chiens sur toute tête qui dépasse. Tant qu’il n’y a pas de représentants, il n’y aura pas de dialogues. Il y aura des discours et des promesses, des oligarques jetés dans la fosse aux lions pour tenter de calmer les choses. Des petites concessions, mais jamais l’essentiel : La démocratie. Essolta li cha3b ?

Oui d’accord, disent-ils, mais a travers eux, par eux et pour eux. Encore et toujours.

Abdallah Benadouda